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Promesse unilatérale de vente et rétractation : c’est l’exécution forcée !

Civil - Contrat
26/10/2021
La Cour de cassation confirme sa décision de juin dernier, opérant le revirement que l’on sait : l’engagement du promettant est ferme et définitif, celui-ci ne peut plus se rétracter avant la levée de l’option, sauf stipulation contraire.
Faits et procédure. – En 2011, les consorts D. vendent à la société E. des parcelles, l’acte authentique prévoyant leur exploitation par extraction de substances minérales et la promesse du retour des biens, à la fin de l’extraction, aux vendeurs, si bon leur semble, moyennant un euro symbolique. Le même jour, ils lui vendent un autre ensemble de parcelles, aux mêmes conditions. Après plusieurs avenants de prolongation, ce second acte n’est pas réitéré par acte authentique. La société E. ayant rétracté sa promesse de revendre le premier ensemble de parcelles, M. D., assigne la société E. afin que soient déclarées parfaites les reventes des parcelles, après exploitation, et que soit ordonnée leur réalisation forcée.
 
Pour rejeter sa demande, la cour d’appel retient que la rétractation de la société E. de son engagement de revente des parcelles intervenue avant la levée de l’option faisait obstacle à l’exécution forcée de cet acte.
 
M. D. se pourvoit en cassation, invoquant la violation de l’article 1134, devenu 1103, du Code civil : selon lui, la société E. ayant donné son consentement « ferme et définitif » à la promesse de vente, la révocation de celle-ci pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêchait pas la formation du contrat de vente promis.
 
Solution. – L’arrêt est cassé au visa de l’article 1134 précité, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
La Cour de cassation rappelle sa décision du 23 juin 2021 opérant un revirement de jurisprudence : le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire (Cass. 3e civ., 23 juin 2021, n° 20-17.554, publié au Bulletin).
Pour rejeter la demande de M. D., l’arrêt avait retenu que la rétractation de la société E., intervenue avant la levée de l’option par les bénéficiaires de la promesse, avait fait obstacle à la réalisation de la revente du premier ensemble de parcelles, à défaut d’échange de consentements entre le promettant et le bénéficiaire.
« En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu le caractère ferme et définitif de l’engagement du promettant et relevé que la promesse ne prévoyait aucun délai pour lever l’option d’achat, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
 
Remarques. – Rappelons rapidement que, jusqu’à son arrêt du 23 juin 2021, la Cour de cassation considérait que la rétractation de la promesse par le promettant avant la levée d’option du bénéficiaire n’ouvrait droit qu’à des dommages et intérêts envers le bénéficiaire. L’exécution forcée était impossible. Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, l’article 1124, alinéa 2, du Code civil permet l’exécution forcée de la promesse unilatérale de vente pour les promesses conclues après le 1er octobre 2016. Selon que la promesse était signée avant ou après le 1er octobre 2016, il en résultait des solutions différentes. Le 23 juin 2021, la Cour de cassation est venue unifier la solution, que la promesse soit conclue avant ou après l’entrée en vigueur de la réforme : « La promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien ».
Sur le plan pratique, l’exécution forcée de la promesse unilatérale de vente est donc de droit lorsque le promettant se rétracte. Mais rien n’empêche le rédacteur de l’acte d’insérer une clause écartant expressément cette sanction et prévoyant l’allocation de dommages et intérêts.
  
Pour aller plus loin, voir Le Lamy Droit du contrat, n° 256 et l’article de Sarah Farhi, Retour vers le passé : de la rétractation de la promesse unilatérale de vente, RLDC 2021/195, n° 6974.
Source : Actualités du droit