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Véhicule autonome : l’approche sandbox de la loi PACTE

Tech&droit - Objets connectés
21/06/2018
Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (dit PACTE) prévoit un cadre pour protéger les expérimentations des entreprises. Même s’il est assez limité, puisque qu’il ne concerne que les véhicules autonomes, cette approche innovante est à saluer.
Ces précisions sur le champ et le cadre des expérimentations de véhicules à délégation de conduite font suite à l’avis du Conseil d’État du 19 décembre 2017 qui recommandait que les éventuelles dérogations au Code de la route s’accompagnent d’une intervention du législateur pour préciser les responsabilités, notamment pénales.
 
Élargir le champ des expérimentations
Ce dont il s’agit ici, c’est de permettre de passer un nouveau palier dans les tests techniques des véhicules autonomes sur les routes françaises. La première phase d’expérimentations (2014-2017) visait à valider des briques technologiques en situation réelle (de la fin 2014 à la fin 2017, 51 décisions d’autorisation de délivrance exceptionnelle de certificats d’immatriculation « W garage » dans le cadre d’expérimentation de véhicules à délégation de conduite ont été délivrées, ce qui correspond à près de 100 000 km parcourus au total).
 
Cette nouvelle phase est, pour sa part, destinée à permettre une approche plus globale, à travers une diversification des cas d’usages et ce, sur l’ensemble des territoires (urbains, péri-urbains comme ruraux).
 
Ses objectifs, identifiés dans l’étude d’impact, sont de permettre d’évaluer
- « outre la sécurité des systèmes,
- les comportements des conducteurs et des autres usagers de la route,
- l’acceptabilité de la conduite autonome,
- les modèles économiques,
- mais aussi les impacts sur la mobilité, l’emploi, les compétences dans les secteurs économiques concernés (automobile, transports, mobilités) » (Projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises, Étude d’impact, p. 419).
 
Mais pas seulement. Il s’agit également « de passer à des tests de l’usage de ces véhicules avec des conducteurs non-experts, et de développer les expérimentations de navettes, avec supervision à distance » (Projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises, Étude d’impact, p. 419).
 
Les expérimentations pourront donc être menées avec des conducteurs inattentifs ou même sans conducteur.
 
Pour mieux identifier les enjeux, notamment en terme de responsabilité
Comme le souligne l’étude d’impact, « L’objectif de la présente mesure est d’élargir le champ des expérimentations aux situations d’inattention ou d’absence de conducteurs et aux engins de livraison urbaine automatisés, et d’arrêter les régimes de responsabilité en l’absence de conducteur afin d’offrir aux expérimentations des règles identifiées en matière de sécurité routière et de poursuivre ces expérimentations » (Projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises, Étude d’impact, p. 423).
 
Concrètement, l’article 43 du projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises (dit PACTE) modifie l’ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016 (JO 5 août).
  • « Art. 1 er  La circulation sur la voie publique à des fins expérimentales de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite est subordonnée à la délivrance d’une autorisation destinée à assurer la sécurité du déroulement de l’expérimentation. La délivrance de l’autorisation est subordonnée à la condition que le système de délégation de conduite puisse être à tout moment neutralisé ou désactivé par le conducteur. En l’absence de conducteur à bord, le demandeur fournit les éléments de nature à attester qu’un conducteur situé à l’extérieur du véhicule sera prêt à tout moment à prendre le contrôle du véhicule et sera en mesure de le faire ».
 
Relevons que dans son avis du 14 juin dernier (CE, 14 juin 2018, avis n° 394.599 et 395.021), le Conseil d’État préconisait, pour rester en conformité avec la Convention de Vienne du 8 novembre 1968, d’exclure les expérimentations supposant l’inattention du conducteur ou l’absence de conducteur.
 
  • « Art. 1-1 La circulation à des fins expérimentales de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite ne peut être autorisée sur les voies réservées aux transports collectifs que pour des véhicules utilisés pour effectuer ou mettre en place un service de transport public de personnes » ;
 
  • « Art. 2-1  Les dispositions du premier alinéa de l’article L. 121-1 du Code de la route ne sont pas applicables au conducteur pendant les périodes où le système de délégation de conduite, qu’il a activé conformément à ses conditions d’utilisation, est en fonctionnement et l’informe être en état d’observer les conditions de circulation et d’exécuter sans délai toute manœuvre en ses lieux et place. Ces dispositions sont à nouveau applicables dès que le système de délégation de conduite demande au conducteur de reprendre le contrôle du véhicule. Il en va de même lorsque le conducteur a ignoré la circonstance évidente que les conditions d’utilisation du système de délégation de conduite, définies pour l’expérimentation, n’étaient pas ou plus remplies ».
 
L’article 2-2 de l’ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016, modifié par ce projet de loi est, pour sa part, destiné à régler la question de l’indemnisation des victimes, envisagée uniquement via le fondement du  délit d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité de la personne prévus par les articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20-1 du Code pénal : «  Si la conduite du véhicule, dont le système de délégation de conduite a été activé et fonctionne dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 2-1, contrevient à des règles dont le non-respect constitue une contravention, le titulaire de l’autorisation est pécuniairement responsable du paiement des amendes. Si cette conduite a provoqué un accident entraînant un dommage corporel, ce titulaire est pénalement responsable du délit d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité de la personne prévus par les articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20-1 du Code pénal lorsqu’il est établi une faute au sens de l’article 121-3 de ce code dans la mise en œuvre du système de délégation de conduite ».
 
En conséquence, pourra être déclaré pénalement responsable le seul titulaire de l’autorisation d’expérimentation, à l’exclusion donc du conducteur qui a activé le dispositif de délégation de conduite.
 
Ce que le législateur attend de ces expérimentations
L’élargissement des expérimentations devrait permettre de/d’ :
  • « d’évaluer les enjeux critiques de circulation, de régulation des flux et de supervision pour alimenter un référentiel d’analyse de sécurité des parcours
  • d’évaluer les comportements des conducteurs professionnels et les éventuelles évolutions possibles des métiers de chauffeurs d’autre part ;
  • de porter une attention particulière aux transitions (délégation et reprise de contrôle), aux fonctionnalités des interfaces homme-machine et au suivi de l’attention du conducteur pour évaluer la dynamique d’apprentissage des fonctionnalités par les conducteurs ;
  • de contribuer à l’évaluation de l’impact sur la consommation de carburant ;
  • l’évaluation de la perception du temps passé en mode de conduite délégué, et, partant, aux choix de déplacement et de mode de transport ;
  • des évaluations conjointes des véhicules et de l’infrastructure, y compris par l’expérimentation d’équipements de la route encore non-homologués ;
  • de préfigurer l’élaboration d’un référentiel d’adéquation des infrastructures, y compris de leur signalisation, à la conduite autonome ;
  • de définir des référentiels partagés définissant les amers de localisation, de tester l’adéquation des jeux de données cartographiques et d’expérimenter une plateforme d’intégration, de fusion et de redistribution en temps réel de données géographiques de sources multiples ;
  • de développer l’automatisation dans le domaine de la logistique urbaine ».
 
Un décret en Conseil d’État est prévu pour préciser les conditions de délivrance de l’autorisation à laquelle sera soumise chaque expérimentation, ainsi que les modalités de sa mise en œuvre.
Source : Actualités du droit