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Demande d’avis à la Cour de cassation, les magistrats n’apportent qu’une semi-réponse

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
27/09/2019
Sur deux questions posées à la Cour de cassation, les magistrats n'ont apporté qu'une seule réponse en raison du non-respect au principe du contradictoire. 
Selon la lettre de l’article L. 441-1 du Code de l'organisation judiciaire, « avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de cassation ».

Le tribunal d’instance d’Epinal s’est servi de cette possibilité en déposant une double demande d’avis près la Cour de cassation au sujet de deux questions procédurales : 
  • « La demande, opposée par un défendeur à l’action en paiement avec intérêts contractuels d’un prêteur professionnel, tendant à prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur sur le fondement des dispositions de l’article L. 311-33 du Code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er mai 2011, constitue-t-elle une demande reconventionnelle, au sens de l’article 64 du Code de procédure civile, ou un moyen de défense au fond, au sens des dispositions de l’article 71 du même Code ?  »
 
  • « Le juge peut-il, sans limite de temps, soulever d’office à l’encontre du prêteur professionnel le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts prévue à l’article L. 311-33 du Code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er mai 2011, en cas de fourniture d’une offre préalable ne satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 ou est-il soumis à un délai de prescription ? »
     
 
Concernant la première question, la Cour de cassation prend le soin de différencier une demande reconventionnelle, « celle par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire », d’une défense au fond, « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire ». Elle reprend ainsi classiquement les définitions posées par les articles 64 et 71 du Code de procédure civile.
 
En l’espèce, la Cour distingue précisément deux hypothèses : « en ce qu’il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit à la consommation, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l’emprunteur constitue une défense au fond. Toutefois, si l’invocation de la déchéance du droit aux intérêts tend à la restitution d’intérêts trop perçus, elle s’analyse en une demande reconventionnelle, en ce qu’elle procure à l’emprunteur un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ». 
 
Pour la seconde question, la Cour se fonde sur l’article 1031-1 du Code de procédure civile disposant : « Lorsque le juge envisage de solliciter l'avis de la Cour de cassation en application de l'article L. 441-1 du Code de l'organisation judiciaire, il en avise les parties et le ministère public, à peine d'irrecevabilité. Il recueille leurs observations écrites éventuelles dans le délai qu'il fixe, à moins qu'ils n'aient déjà conclu sur ce point ». Or, en l’espèce, « il ne résulte ni du jugement ni du dossier transmis à la Cour de cassation que le tribunal d’instance ait, préalablement à sa décision, avisé les parties et le ministère public de ce qu'il envisageait de solliciter l'avis de la Cour de cassation sur les effets de la prescription au regard du relevé d’office par le juge d’un moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts ».
 
La première chambre civile veille ainsi au complet respect du principe du contradictoire, règle cardinale en procédure civile. Il est nécessaire de recueillir l’avis des parties et du ministère public tant sur l’utilité de poser une question de droit à la Cour que sur son contenu. Ces derniers doivent ainsi être avisés par le juge de l’entière demande d’avis.
 
La Cour précise que la notification de la décision de transmission de demande d’avis ne peut suppléer cette formalité. Une telle solution avait déjà été rendue en 2017 (Cass. Avis, 27 fév. 2017, n° 17-70.001).
 
Ainsi, si la décision de transmission ou de non transmission d’une demande d’avis est insusceptible de recours (Cass. com., 25 oct. 2017, n° 16-22.249), le rôle des parties, via le principe du contradictoire, reste essentiel.
 
 
 
Source : Actualités du droit