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Projet de loi de finances : les plateformes en ligne sous surveillance étroite

Tech&droit - Données
01/10/2019
Assurer l’équité fiscale. Telle est l’ambition de deux articles du projet de loi de finances qui entendent rendre les plateformes en ligne redevables de la TVA sur les transactions qu’elles facilitent et dénoncer publiquement celles peu respectueuses de leurs obligations fiscales. Explications.
Deux dispositions du projet de loi de finances illustrent la volonté du gouvernement de resserrer le contrôle autour des impôts dont sont redevables les plateformes en ligne. Faisant échos aux débats autour de la taxe GAFA (v. notamment, Taxe GAFA : la loi définitivement adoptée, sur fond de menace américaine, Actualités du droit, 11 juill. 2019), elles constituent de nouvelles briques dans le déploiement d’une fiscalité du XXe siècle, qui se veut plus adaptée aux revenus dégagés par les acteurs proposants des services en ligne.

Lutter contre la fraude à la TVA sur Internet
Concrètement, le projet de loi de finances prévoit que les plateformes en ligne seront redevables de la TVA due sur les ventes qu’elles facilitent, dès lors que le vendeur est établi dans un pays tiers.

L’article 53 du projet de loi de finances tel que déposé le 27 septembre à l’Assemblée nationale (TA AN n° 2272, 2018-2019) transpose ainsi la directive UE n° 2017/2455 du 5 décembre 2017 relative au régime de TVA du commerce électronique, dispositions applicables à compter du 1er janvier 2021.

L’objectif : lutter contre la fraude à la TVA sur les ventes à distance facilitées par l’utilisation d’une interface électronique et réduire la charge administrative pour les vendeurs, l’administration fiscale et les consommateurs.

La mesure couvre l’ensemble des :
  • importations directes par le consommateur et,
  • livraisons intracommunautaires de biens préalablement importés.
Les opérateurs de plateforme devront conserver pendant 10 ans un registre afin de permettre aux États membres où ces opérations sont imposables de vérifier que la TVA a été correctement acquittée.

Ce qu’il faut retenir, également, c’est que :
  • une définition des notions de vente à distance intracommunautaire de biens et de vente à distance de biens importés de territoires ou de pays tiers est insérée ;
  • les interfaces électroniques seront redevables de la TVA lorsque celles-ci facilitent les ventes à distance de biens importés de moins de 150 euros ou qu’elles facilitent les livraisons domestiques ou les ventes à distance intracommunautaires de biens réalisées par leur intermédiaire par un vendeur non établi dans l’Union européenne ;
  • un guichet électronique est également mis en place permettant de déclarer dans un seul État membre l’ensemble des ventes à distance de biens importés contenus dans des envois ne dépassant pas une valeur de 150 €, dont le lieu d’imposition est situé dans l’État membre de consommation (guichet « IOSS ») ; et en contrepartie de l’utilisation de ce système déclaratif et de paiement, une exonération de la TVA due à l’importation est instituée.


Le name&shame appliqué aux plateformes
C’est ici l’article 55 du projet de loi de finances (TA AN n° 2272, 2018-2019) qui pose le cadre de ce nouveau type de sanction.

Avec les expérimentations, le name&shame (ou sanction réputationnelle ; v. L. n° 2018-898, 23 oct. 2018, relative à la lutte contre la fraude) est en effet l’une des deux grandes méthodes déployées par le gouvernement pour faire évoluer les mentalités.

Ce qui fait que, si ce texte est voté en ces termes, l’administration fiscale pourra publier sur son site internet la liste des plateformes qui ne coopèrent pas avec elle.

Sont visés, les opérateurs de plateforme considérés comme non-coopératifs, c’est-à-dire ceux qui ne respecteraient pas, de manière réitérée, leurs obligations fiscales sur le territoire français, y compris en tant que tiers déclarants.

Un nouvel article 1740 D – I, prévoirait que « si un opérateur de plateforme au sens du premier alinéa de l'article 242 bis fait l’objet, en moins de douze mois, d’au moins deux mesures parmi celles mentionnées au II du présent article (qui vise 5 taxes), la mise en œuvre de la seconde mesure peut être accompagnée de la publication, sur une liste des opérateurs de plateformes non coopératifs, de la dénomination commerciale de l’opérateur de plateforme ainsi que, le cas échéant, de son activité professionnelle et de son État ou territoire de résidence ».

Ce même article préciserait que « La publication ne peut être effectuée avant l'expiration d'un délai de soixante jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître à l'opérateur de plateforme concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ». Étant précisé que cette sanction serait à durée limitée : « La publication est effectuée sur le site internet de l'administration fiscale pendant une durée qui ne peut excéder un an. Lorsque l'opérateur de plateforme a acquitté l'intégralité des impositions ou amendes ayant motivé la publication, celle-ci est retirée sans délai du site internet de l'administration fiscale ».

Une dénonciation qui poursuit deux objectifs :
– s’assurer de la coopération fiscale des opérateurs de plateforme ;
– informer les citoyens sur l’identité des plateformes les moins respectueuses de leurs obligations fiscales (afin d’améliorer la transparence et une saine la concurrence entre ces acteurs).

Le tout devant être encadré par un décret en Conseil d’État.
Source : Actualités du droit