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Machine learning, réseaux sociaux et administration fiscale : liaisons dangereuses ?

Tech&droit - Intelligence artificielle
27/10/2019
Les débats au Parlement autour de l’article 57 du PLF pour 2020, qui pose le cadre d’une expérimentation destinée à améliorer l’efficacité de la traque fiscale en scannant les données laissées par les internautes, sont finalement assez peu fournis. Deux amendements viennent néanmoins d’être déposés. Le point.
L’article 57 du projet de loi de finances pour 2020 prévoit d’autoriser les administrations fiscale comme douanière à collecter en masse les données déposées publiquement par les internautes sur les réseaux sociaux ou les plateforme de mise en relation, afin de détecter des comportements frauduleux (v. Réseaux sociaux et datamining : des algorithmes vont-ils devenir aviseurs fiscaux ?, Actualités du droit, 1er oct. 2019).

Avec cette précision que ces traitements ne sont pas limités à la levée de soupçons d’infractions ou la recherche de preuves. Leur objectif est bien, également, de cibler des actions ultérieures de contrôle, autrement dit de rechercher des traces d'infraction.

Des députés dénoncent l’atteinte à la liberté d’expression et à liberté d’opinion, car « face à cette collecte générale de données personnelles, les utilisateurs de ces réseaux et de ces plateformes seront dans l’obligation de limiter leur expression, afin qu’elle ne soit pas utilisée à leur encontre par l’administration » (TA AN n° 2072, 2019-2020, amendement n° II-157, amendement déposé le 23 octobre 2019). Les garanties prévues par cet article 57, comme l’interdiction de l’utilisation de la reconnaissance faciale lorsque des photos seront collectées ne seraient, aux dires de certains députés, en outre, pas suffisantes et les conséquences de l’utilisation d’algorithmes auto-apprenants (intelligence artificielle avec machine learning) pour collecter ces données non correctement anticipées.

Un autre amendement, déposé le 25 octobre 2019, propose de davantage cadrer cette expérimentation au regard de la portée de cette mesure sur le droit au respect de la vie privée et de la possibilité de recueillir des données sensibles (TA AN n° 2072, 2019-2020, amendement n° II-CL72). Il propose de prévoir que « L’expérimentation prévue au I fait l’objet d’une évaluation annuelle dont les résultats sont transmis au Parlement, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés ainsi qu’au premier président de la Cour de cassation. Une évaluation finale est instituée au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation ».
 
Le projet d’article 57
« À titre expérimental et pour une durée de trois ans, pour les besoins de la recherche des infractions mentionnées aux b et c du 1 de l'article 1728, aux articles 1729, 1791, 1791 ter, aux 3°, 8° et 10° de l’article 1810 du Code général des impôts, ainsi qu’aux articles 411, 412, 414, 414-2 et 415 du Code des douanes, l’administration fiscale et l’administration des douanes et droits indirects peuvent, chacune pour ce qui la concerne, collecter et exploiter au moyen de traitements informatisés et automatisés n’utilisant aucun système de reconnaissance faciale les contenus, librement accessibles, publiés sur internet par les utilisateurs des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au 2° du I de l'article L. 111-7 du Code de la consommation ».
TA AN, n° 2272, 2019-2020, art. 57
 
Le rapporteur de l’article 57 du projet de loi de finances pour 2020, Philippe Latombe, a également dénoncé cette expérimentation (La lutte contre la fraude fiscale ne justifie pas que le gouvernement livre les Français aux Gafa, Marianne, 17 oct. 2019).

La Commission des lois de l’Assemblée nationale doit désormais examiner le rapport pour avis (Assemblée nationale, Commission des lois, 30 oct. 2019) sur cet article le 30 octobre 2019…
Source : Actualités du droit