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Legaltechs : un grand pas vers la certification des plateformes de règlement en ligne des litiges

Tech&droit - Start-up
28/10/2019
Nouvelle étape sept mois après le vote de la loi de programmation pour la justice. Un décret publié au Journal officiel du 27 octobre 2019 vient de préciser les modalités d'obtention d'une certification pour les plateformes de conciliation, médiation et arbitrage en ligne. Mais il faudra encore attendre un arrêté pour déposer les premières demandes...
Ce décret, très attendu, est pris pour l'application de l'article 4 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (LPJ). Rappelons que cette certification était une demande de l’un des acteurs de la legaltech. Son objectif étant, selon la ministre de la Justice, de « guider le justiciable et  (d')installer un climat de confiance pour ceux qui veulent utiliser ces plateformes » (Assemblée nationale, débats, 19 nov. 2018 ; v. également, Philippe Bas, président de la commission des lois, Sénat : « L’émergence de champions de la legaltech français ou européens, pourrait promouvoir à l’échelle mondiale une autre vision », Actualité du droit,  12 juill. 2019 ;  et Thomas Andrieu et Natalie Fricero : « La certification des plateformes proposant des conciliations, médiations ou arbitrages en ligne devrait contribuer à créer un climat de confiance », Actualités du droit, 15 oct. 2018).
 
Cet article avait fait l’objet de débats plus qu’animés lors de l’examen du projet de loi de programmation pour la justice au Parlement. En cause, notamment, le caractère facultatif de cette certification. Pour le sénateur Yves Détraigne, « sur le fond, si ce caractère obligatoire peut porter atteinte à la liberté d’entreprendre, il serait justifié par un objectif d’intérêt général de protection des justiciables. La résolution amiable des litiges peut s’apparenter à un démembrement d’une prérogative de puissance publique consistant à trancher des litiges, ce qui nécessite un cadre juridique précis et protecteur » (Sénat, débats, 8 oct. 2019).
 
À plusieurs reprises, Nicole Belloubet avait ainsi dû expliquer le choix d’une labellisation facultative : « le Gouvernement considère que la certification doit rester facultative : dans un environnement concurrentiel, cela valorisera les opérateurs vertueux. Je rappelle que les cas où une certification est obligatoire sont aujourd’hui très rares » (Sénat, débats, 8 oct. 2019). Rappelant, en outre, qu’ « une certification généralisée de l’ensemble des opérateurs préalablement à la mise en service de ce dispositif paraît illusoire. À titre d’exemple, le ministère de la Justice n’aura aucun moyen de contrôler un site qui serait domicilié à l’étranger et qui ne demanderait pas de certification ».

En pratique, ce décret vient poser le cadre de la certification des services en ligne de conciliation, de médiation ou d'arbitrage par un organisme accrédité (délivrance, renouvellement, suspension et retrait) et les conditions dans lesquelles est assurée la publicité de la liste de ces services.

Précisions sur les bénéficiaires d’une certification de plein droit
Comme le prévoit l’article 4 de la LPJ, trois types de personnes proposant un service en ligne de conciliation/médiation obtiennent une certification de plein droit. Il s’agit des : Ces personnes doivent néanmoins déposer une demande de certification relative à tout ou partie de leur activité auprès d'un organisme certificateur.
 
Les services en ligne bénéficiant de cette certification sont soumis aux mêmes obligations de déclaration d’une modification de leur situation et aux mêmes audits (v. infra) que les autres plateformes de règlement en ligne des litiges.

 
Rappel du contenu de l’article 4 de la LPJ
"Les services en ligne fournissant des prestations de conciliation, de médiation, telle que définie à l'article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 précitée, ou d'arbitrage peuvent faire l'objet d'une certification par un organisme accrédité.
Cette certification est accordée au service en ligne qui en fait la demande, après vérification du respect des exigences mentionnées aux articles 4-1 à 4-6.
Par exception, la certification est accordée de plein droit aux conciliateurs de justice, aux médiateurs inscrits sur la liste prévue à l'article L. 615-1 du Code de la consommation au titre de leur activité de médiation de consommation ainsi qu'aux personnes inscrites, dans le ressort d'une cour d'appel, sur la liste des médiateurs prévue à l'article 22-1 A de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 précitée.
Les conditions de délivrance et de retrait de la certification mentionnée au présent article ainsi que les conditions dans lesquelles est assurée la publicité de la liste des services en ligne de conciliation, de médiation ou d'arbitrage sont précisées par décret en Conseil d État".
L.n° 2016-1547, 18 nov. 2016, JO 19 nov. , art. 4-7
 

Le process d’obtention de la certification
Les sociétés qui seront candidates à cette certification devront s’adresser à un organisme certificateur., parmi la liste de ceux désignés par le Comité français d'accréditation (Cofrac), ou par tout autre organisme d'accréditation signataire d'un accord de reconnaissance mutuelle multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation, là encore, conformément à un référentiel d'accréditation publié par arrêté de la garde des Sceaux.

Cet organisme examinera le dossier au regard d’une grille de critères (protection des données personnelles, confidentialité, la délivrance d’une information détaillée sur le fonctionnement du service, formation, déontologie, indépendance, impartialité, traitement algorithmique, etc.), non encore précisément définis, puisqu’ils devront l’être dans un arrêté que devra prendre la ministre de la Justice.
 
Concrètement, « Les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne mentionné aux articles 4-1 et 4-2 de la loi du 18 novembre 2016 susvisée et candidates à la certification, adressent leur demande à un organisme certificateur par tout moyen de communication de nature à donner date certaine à leur saisine. L'organisme certificateur informe le demandeur du délai prévisible de traitement de sa demande et des modalités de l'audit mis en œuvre en vue de la certification ». Sachant qu’il ne sera pas possible de multiplier les demandes de certification devant plusieurs organismes certificateurs.
 
L'organisme certificateur procédera ensuite à un audit du service en ligne « sur pièces et sur place ». Ensuite, trois issues possibles :
  • le rejet de la certification ;
  • une demande de mise en conformité, dans un délai donné ;
  • la certification, valable pour une durée de trois ans, renouvelable.

Cette décision de certification est accompagnée de la délivrance d’un certificat qui devra comprendre notamment les mentions suivantes :
  • le périmètre des activités certifiées ;
  • le référentiel appliqué et sa version ;
  • le nom de l'organisme certificateur ayant délivré le certificat ;
  • la date de prise d'effet et de fin de validité du certificat.
Un certificat qui devra être accessible en ligne aux utilisateurs et les plateformes pourront apposer sur leur site internet le logo attestant de leur certification. Les modalités précises de cet affichage restent cependant à définir par arrêté.
 
Un suivi post délivrance de la certification
Pour contrôler la conformité des pratiques après la délivrance de la certification, le décret prévoit :
  • l’obligation de notifier toute modification concernant le statut juridique, l'organisation et le fonctionnement du service en ligne certifié à l’organisme certificateur ;
  • des audits de suivi menés par l'organisme certificateur.
Étant précisé que l'audit de renouvellement du certificat par l'organisme certificateur et la décision de renouvellement de la certification doivent intervenir, à la demande du service en ligne, avant l'échéance du certificat en cours de validité.

Le décret prévoit, par ailleurs, que « Lorsque l'organisme certificateur relève, lors d'un audit de suivi, de renouvellement ou à l'occasion d'une réclamation, que le service en ligne ne remplit plus une ou plusieurs conditions requises par le référentiel de certification, il notifie au représentant du service en ligne les griefs et non conformités retenus et lui octroie un délai qui ne saurait être supérieur à trente jours, pour se mettre en conformité. L'organisme certificateur peut suspendre la certification pendant ce délai en cas de manquement manifeste aux exigences du référentiel ».

Sans mise en conformité dans le délai imparti, l'organisme certificateur notifiera la décision de retrait de la certification, qui devra être motivée et mentionner la voie de recours. Le décret prévoit en effet la possibilité pour « le représentant du service en ligne (de) contester par écrit la décision de refus, de suspension ou de retrait de la certification auprès de l'organisme certificateur dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision ». Avec cette précision que le recours n’est pas suspensif. L'organisme certificateur dispose alors d’un délai de quatre mois après avoir accusé réception du recours pour se prononcer, par une décision motivée.
 
Une certification suivie de près par le ministère de la Justice
Lors des débats au Parlement, certains députés avaient demandé que la certification émane directement des services de la Chancellerie. Un autre arbitrage a été fait par Nicole Belloubet, mais le ministère a souhaité être informé des certifications accordées.
 
Le décret du 25 octobre 2019 prévoit ainsi que « les organismes accrédités informent sans délai le ministre de la Justice de la délivrance, de la suspension ou du retrait de la certification. Ils adressent au ministre de la Justice un rapport annuel d'activité qui comporte les renseignements relatifs au nombre de demandes, de délivrances et de retraits de certification, au nombre de contrôles effectués et décrit les difficultés rencontrées ».
 
Et le site www.justice.fr publiera une liste actualisée des services en ligne de conciliation, de médiation et d'arbitrage certifiés.
 
Last but not least, aucune date précise d’entrée en vigueur n’est prévue. Pour ce faire, il faudra attendre un arrêté, avec néanmoins une date ultime fixée au 1er janvier 2021. 
Source : Actualités du droit