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Contrat de maîtrise d’œuvre et clause abusive

Civil - Contrat
13/11/2019
Une SCI, professionnelle de l’immobilier et non de la construction, est considérée comme un non-professionnel vis-à-vis du maître d’œuvre : elle peut invoquer la nullité d’une clause abusive.
Une SCI, maître d’ouvrage, confie à un architecte la maîtrise d’œuvre complète de la construction d’un bâtiment à usage professionnel. Puis elle abandonne le projet. Le contrat prévoyait qu'en cas d’abandon du projet, pour quelque raison que ce soit, les honoraires seraient dus et réglés en totalité à l’architecte. Sur le fondement de cette clause, l’architecte assigne la SCI en paiement de la totalité des honoraires prévus au contrat.

Les juges du fond rejettent sa demande, jugeant que cette clause est abusive et par conséquent nulle, et limitent le montant des honoraires réclamés.

L’architecte se pourvoit en cassation. La Cour de cassation rejette également sa demande, en répondant à deux questions.

Le maître d’ouvrage est-il un professionnel ou un non-professionnel ?
La cour d’appel avait relevé que la SCI avait pour objet social l’investissement et la gestion immobiliers, et notamment la mise en location d’immeubles dont elle avait fait l’acquisition ; elle était par conséquent un professionnel de l’immobilier. Mais « cette constatation ne suffisait pas à lui conférer la qualité de professionnel de la construction, qui seule serait de nature à la faire considérer comme étant intervenue à titre professionnel à l’occasion du contrat de maîtrise d'œuvre litigieux dès lors que le domaine de la construction faisait appel à des connaissances ainsi qu'à des compétences techniques spécifiques distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière ».
La cour d’appel en a déduit, à bon droit, que « la SCI n’était intervenue au contrat litigieux qu’en qualité de maître de l'ouvrage non professionnel, de sorte qu'elle pouvait prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 ».
 
La clause litigieuse est-elle abusive ou non ?
Les juges du fond ont étudié les conséquences de la clause litigieuse : par le seul effet de la signature du contrat, elle garantissait à l’architecte le paiement des honoraires prévus pour sa prestation intégrale, et ce quel que fût le volume des travaux qu'il aurait effectivement réalisés. Il n’en résultait « aucune contrepartie réelle pour le maître de l'ouvrage, qui, s'il pouvait mettre fin au contrat, serait néanmoins tenu de régler au maître d'œuvre des honoraires identiques à ceux dont il aurait été redevable si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme ». La cour d’appel a retenu à bon droit que cette clause constituait une clause abusive.
 
Pour en savoir plus, v. Le Lamy Droit du contrat, no 1342.
Source : Actualités du droit