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Imputation des paiements : la banque peut refuser un paiement partiel

Civil - Contrat
03/12/2019
La Cour de cassation rappelle que si l’emprunteur choisit d'indiquer le prêt qu'il rembourse, il doit en payer l’intégralité, sauf accord de la banque.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 novembre 2019, a eu à répondre d’un litige relatif au problème de l'imputation des remboursements de plusieurs prêts bancaires. Cette question se pose en effet couramment lorsque le débiteur, qui est tenu de plusieurs dettes de même nature envers le même créancier, effectue un paiement incomplet : à quelle dette faut-il l'affecter ? Et dans quelle mesure ?

Faits. - Deux époux contractent plusieurs prêts entre 2000 et 2005 en vue de l’acquisition de biens immobiliers situés à Courchevel, Annecy et Cannes. À la suite d’incidents de paiement, de règlements partiels et de nouvelles défaillances des emprunteurs, l’établissement financier prêteur prononce la déchéance du terme des prêts en 2012 puis en 2014. L’année suivante, il délivre aux emprunteurs des commandements de payer différentes sommes emportant saisie des biens immobiliers.

Procédure. - Ces commandements restant sans effet, le prêteur les assigne devant le juge de l’exécution. Les emprunteurs sollicitent de leur côté, notamment, l’annulation des commandements de payer pour défaut de décompte sincère et vérifiable en l’absence de respect par le prêteur d’ordres d’imputation des paiements.
Les juges du fond rejettent leur demande en annulation des commandements de payer. La cour d’appel retient notamment que :
  • les emprunteurs ne pouvaient imposer à la banque d’affecter leur paiement à certains prêts alors qu’une telle affectation qui aurait conduit à un remboursement anticipé des prêts n’était pas prévu par les parties ;
  • et la banque avait légitimement pu refuser d’imputer les paiements effectués par les emprunteurs sur deux prêts ainsi que ceux-ci le lui avait demandé, dans la mesure où une telle imputation aurait été contraire à ses intérêts puisqu’elle aurait abouti à la prescription des poursuites au titre des autres prêts en l’absence de paiement.
Les emprunteurs se pourvoient alors en cassation.

Solution. – Leur pourvoi est rejeté. Pour la Cour de cassation : « il résulte des dispositions des articles 1244 et 1253 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que, si le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu’il paye, quelle dette il entend acquitter, l’exercice de ce droit implique, sauf accord de son créancier, qu’il procède au paiement intégral de cette dette ». La cour d’appel a constaté qu’à l’issue de la première déchéance prononcée par le prêteur, les emprunteurs ont effectué différents paiements partiels dont ils ont demandé l’affectation au remboursement de deux prêts, laquelle a été refusée par le prêteur. Il s’en déduit que les emprunteurs n’étaient pas fondés à se prévaloir de leur droit légal d’imputer leurs paiements.

Le principe est en effet que le débiteur peut choisir d'indiquer la dette qu'il paie (C. civ., art. 1253 anc. et 1342-10 nouv.). Ce choix doit être exprimé très clairement au moment du paiement (Cass. com., 17 févr. 2009, n° 07-20.100, RTD civ. 2009, p. 322, obs. Fages B.). Mais comme le créancier peut refuser un paiement partiel ou avant terme, la Cour de cassation pose des limites à cette liberté. L’accord du créancier est nécessaire lorsque le montant que le débiteur propose de payer est inférieur à celui de la dette qu'il souhaite acquitter, ou dans le cas où l'une des dettes est échue et l'autre non.

POUR EN SAVOIR PLUS, v. Le Lamy droit du contrat, n° 2021.
Source : Actualités du droit