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Les huissiers de justice misent sur la blockchain

Tech&droit - Blockchain
16/12/2019
Le 12 décembre 2019, à l’occasion des 35e journées de Paris, les commissaires de justice ont dévoilé leur stratégie à l’égard de la blockchain. Une approche résolument pragmatique dans laquelle cette technologie est appréhendée comme une opportunité business. Avec, à la clef, une annonce inédite pour une profession réglementée. Explications.
Confiance et performance. Tels étaient les deux mots clefs qui ont guidé la matinée d’ouverture de ces 35es journées de Paris, organisées par la Chambre nationale des commissaires de justice. Devant près de 700 huissiers de justice, les intervenants se sont succédé pour expliquer les enjeux de cette technologie avec notamment, Philippe Dessertine, directeur de l’Institut de Haute Finance, qui a dressé un portrait de l’écosystème de la blockchain, des monnaies virtuelles, de l'évolution et des perspectives des transactions financières.
 
Pour Patrick Sannino, président la Chambre nationale des commissaires de justice et de la section huissier de justice, « La blockchain est une révolution de la transaction et de l’engagement contractuel ». Et dans cet écosystème naissant, « spécialistes de l’exécution contractuelle, (les huissiers de justice doivent) légitimement devenir les tiers de confiance de la blockchain et des smart contract ».
 
Le commissaire de justice, un oracle évident
Cela aura été le leitmotiv de la matinée du 12 décembre 2019 : l’huissier de justice/commissaire de justice doit prendre sa place comme oracle, ce tiers de confiance qui réintroduit une intermédiation dans certains services blockchain. Et ce, particulièrement en cas de déploiement d’un smart contract.
 
Des exemples de cas d’usage dans le secteur du bâtiment ou de la location immobilière ont été présentés. Dans tous ces cas, les smart contracts sont également assortis d’un dispositif qui garantit la bonne exécution contractuelle.
 
Une étude de marché sur la blockchain et les cryptomonnaie, garantie des huissiers/commissaires de justice et nouveaux marchés, réalisée par le cabinet d’études Colbor, a par ailleurs été dévoilée par Frédéric Theulé, chercheur associé Sciences Po. Une analyse intéressante sur la confiance des entreprises dans la technologie blockchain.
 
Que faut-il en retenir ? En synthèse, il y apparaît que les entreprises font davantage confiance à un smart contract garanti par un officier public et ministériel. Ainsi, à la question feriez-vous davantage confiance à un smart contract garanti par des officiers publics et ministériels :
  • les entreprises ont répondu « oui » à 65,70 %, versus 43,20 % sans garantie d’un tiers de confiance ;
  • et pour les particuliers, les chiffres sont de 78,20 % versus 50,70 %.
 
Quels impacts pour les huissiers de justice ?
En quoi les smart contracts peuvent présenter une opportunité pour les huissiers de justice ? Pour Olivier Flégeau, directeur associé de Fiderconex, une société adossée à Syllex, l’accélérateur de la profession, « c’est un potentiel pour l’huissier de justice, parce que l’économie actuelle est une économie de plateforme ». Il s’agit de capter une partie de la valeur qui se développe actuellement sur les plateformes, mais « l’offre de valeur sera supérieure à ce qui existe aujourd’hui car les huissiers de justice apporteront des garanties et de la confiance ».
 
En d’autres termes, « ce projet s’inscrit, pour Cyril Murie, directeur de l’innovation et de la stratégie à la Chambre nationale des huissiers de justice, dans notre stratégie de transformation permanente de la profession ». Et les smart contract sont un atout qui « devrait permettre d’améliorer l’exécution d’un contrat, d’imaginer de nouveaux contrats, comme d’imaginer de nouvelles façons de sortir d’un litige ». Et de proposer, ainsi, de nouveaux services à leurs clients.
 
Le projet de la Chambre nationale des commissaires de justice concrétisé par l’offre de Fiderconex est donc le suivant : développer un écosystème pour valoriser ces plateformes utilisateurs, proposer une nouvelle offre de smart contract (Fidercontract) et lui adosser un actif numérique de confiance : le FIDER.
 
Par rapport à l’offre qui existe actuellement sur le marché, les oracles que seront les huissiers de justice pourront gérer les identités (contrôle de l’identité de la personne qui se trouve derrière une clef publique), éventuellement séquestrer les fonds (fonds en monnaie fiat ; la blockchain validera la preuve du séquestre), vérifier et valider les pièces et, gérer les litiges. La nouvelle offre s’appuiera également sur le concours d’autres professions juridiques, notamment pour l’élaboration des termes contractuels des smart contracts.
 
Un écosystème qui fera bien entendu abstraction de la complexité de la technologie sous-jacente. Les huissiers ont fait le choix d’une blockchain publique, à savoir ethereum, la seule blockchain publique, à l’heure actuelle, avec suffisamment de réseau, qui permette de faire des smart contract.
 
La Chambre nationale des commissaires de justice va proposer le développement de ces plateformes, en fonction des cas d’usage (bâtiment, location, etc.). En pratique, pour pouvoir rémunérer les huissiers de justice dans le cadre du déploiement de ces smart contracts, un jeton sera créé, appelé fider.
 
Pour financer ce projet, une levée de fonds sur la blockchain, ou initial coin offering (ICO), est programmée au 1er semestre 2020, avec trois étapes :
  • vente privée réservée aux commissaires de justice (30 mars au 15 avril 2020) ;
  • vente privée réservée aux officiers publics et ministériels (15 au 30 avril 2020) ;
  • vente publique (30 avril au 30 juin).
 
Une initiative saluée par Laure de La Raudière, députée d’Eure et Loir, membre de la commission des affaires économiques, et rapporteur de la mission d’information sur les blockchains, qui a clôturé la matinée du 12 décembre : « Je vous félicite du projet de smart contract développé par la Chambre nationale des commissaires de justice ». Avec une recommandation : « en tant que profession réglementée, il est impératif que vous relayez le besoin d’un stable coin européen ».


   
 
 
 
 
 
 
Source : Actualités du droit