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ICO : le premier visa AMF vient d’être délivré !

Tech&droit - Blockchain
19/12/2019
Six mois après l’instruction de l’AMF qui a parachevé le cadre de régulation des initial coin offerings (ICO), l’AMF vient de délivrer un premier visa pour une offre publique de jetons. Retour d’expérience sur ce premier dossier.
C’est la fintech FRENCH-ICO.COM, créée en 2018 par Christophe Gauthier et Frédéric Gilles, qui restera dans les mémoires comme étant la première à avoir obtenu ce tout jeune visa de l’Autorité des marchés financiers (AMF ; v. AMF, 18 déc. 2019 ; French-ICO, 18 déc. 2019). Une ICO qui vise à lever entre 100 000 (soft cap) et 1 million d’euros (hard cap) pour financer une plateforme de financement de projets en crypto-monnaie. Son objectif : permettre à des entreprises françaises souhaitant financer l’amorçage, la croissance ou le développement de leurs projets de lever des fonds auprès d’investisseurs français et étrangers. Le jeton émis, qualifié d’ « utilitaire assimilable à des bons d’achats », est le FICO (v. le document d’information sur le site www.french-ico.com).
 
Ce premier visa donne ainsi vie au cadre de régulation posé dans la loi n° 2019-486 du 23 mai 2019 (JO 24 mai) dite loi PACTE et le concrétise sur la scène internationale (v. Anne Maréchal, directrice des affaires juridiques de l’AMF : « Avec ce visa optionnel, nous espérons créer un écosystème attractif qui permette d’attirer en France les beaux projets d’ICO », Actualités du droit, 22 mai 2019). Une première pour l’AMF, pour qui c’était une étape importante et essentielle pour renforcer l’attractivité de la France dans l’écosystème blockchain.
 
 
Une procédure assez longue, mais une référence, désormais, pour les porteurs de projets
Ce visa a été délivré dans le cadre du nouveau régime instauré par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 (JO 23 mai), dite loi Pacte, dont les articles 85 et 86 ont encadré les émissions de jetons via la blockchain (Régl. Général AMF, art. 711-1 à 715-2 ; v. également,
ICO : avec la mise en ligne de l'instruction de l'AMF, le cadre de régulation opérationnel ! Actualités du droit, 7 juin 2019). La liste des offres de jetons ayant obtenu un visa de l’AMF, inscrit sur la « Liste blanche », est disponible sur le site de l’AMF.
 
Rappelons que les émetteurs qui envisagent de solliciter un visa peuvent contacter directement les services de l’AMF (contactICO@amf-france.org).
 
En pratique, avant de délivrer son visa, l’AMF a la charge de vérifier les garanties suivantes :
  • l’émetteur de jetons doit être constitué sous la forme d’une personne morale établie ou immatriculée en France ;
  • un document d’information (communément appelé « white paper ») est établi conformément à l’article 712-2 du règlement général de l’AMF et à l’instruction très détaillée AMF DOC-2019-06 ;
  • un procédé permettant le suivi et la sauvegarde des actifs recueillis dans le cadre de l’offre est mis en place par l’émetteur ; et
  • l’émetteur de jetons a mis en place un dispositif lui permettant de respecter ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
 « La difficulté pour nous a été de se hisser au niveau des exigences de l’AMF, tout en appliquant des normes nouvelles issues de la loi PACTE », souligne Margaux Frisque, l’avocate qui a accompagné French-ICO dans ses discussions avec l’AMF. Des exigences ressenties comme aussi fortes que celles propres aux introductions en bourse (EPO).
 
Déposé au cours de l’été, le dossier aura été instruit pendant presque six mois. C’est réellement sur le document d’information que les échanges se sont concentrés (plus d’une vingtaine de versions).
 
Avec un point particulièrement délicat, le contrôle de l’origine des fonds : « La partie lutte anti-blanchiment de capitaux et financement du terrorisme a été assez longue à mettre en place pour se mettre en conformité (notamment, les seuils à partir desquels les KYC sont exigés et les mesures de vigilances complémentaires dans le cas de contrôles réalisés à distance) ».
 
L’enjeu principal : arriver à un accord sur la rédaction du document d’information
Rappelons tout d’abord, que le visa délivré par l’AMF ne porte que sur l’offre présentée dans le document d’information. Autrement dit, le régulateur ne porte aucune appréciation quant à l’opportunité ou non de participer à une offre de jetons, ce qui signifie qu’à l’issue de la clôture de l’offre, l’AMF n’effectuera aucun suivi de l’émetteur et de son projet.
 
Maître Frisque, l’avocate qui a accompagné French-ICO dans ses discussions avec l’AMF, rappelle également que « La procédure d’obtention du visa n’est pas obligatoire, un émetteur de jeton, souhaitant procéder à une offre au public de jetons, a la possibilité de le solliciter, mais le visa de l’AMF assure aux souscripteurs une information claire, compréhensible et non trompeuse ».
 
Concrètement, « Le travail le plus important a été de perfectionner le document d'information, notamment dans le wording, jusqu’à la dernière version ». « Nous nous sommes adaptés à la demande de formalisme de l’AMF ». Avec comme mots clefs : être concis et compréhensible. Un exercice pas toujours évident lorsque les termes sont si techniques et qui requiert de la pédagogie, notamment sur la technologie blockchain, pour que l’émetteur puisse présenter au mieux son projet.
 
Il faut dire que les sanctions sont particulièrement lourdes pour l’émetteur, notamment en cas d’informations trompeuses (v. Loi PACTE : les sanctions pénales applicables aux PSAN et aux ICO, Actualités du droit, 23 mai 2019). La difficulté a donc été de trouver un équilibre entre deux contraintes : donner des informations essentielles pour l’investisseur, parfois profane, mais ne pas rédiger un document trop lourd, un document d'information de cent pages, nécessairement moins lisible. Mais « nous avons donc travaillé main dans la main avec les équipes de l’AMF pour améliorer ce document d’information, encore jusqu’il y a quelques jours ». Au final, un document de 49 pages, qui fera désormais figure de référence pour le marché (pour accéder au white paper, c’est ICI).
 
Et tient à souligner Margaux Frisque, « nous avons pu rédiger ce document grâce à des interlocuteurs très professionnels côté AMF. Christophe Gauthier, le CEO de FRENCH-ICO, et moi-même nous sommes vraiment sentis accompagnés ».
 
Le juridique validé, la prochaine étape désormais sera le lancement de l’ICO prévu pour mars prochain. Sachant que le visa du régulateur sera valable jusqu’à la fin de la période de souscription prévue le 1er juin 2020.
Source : Actualités du droit