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Vers une finance durable : le Cese présente ses recommandations

Environnement & qualité - Environnement
Affaires - Banque et finance
04/02/2019
Le 23 janvier 2019, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a rendu public un avis intitulé « Demain, la finance durable : comment accélérer la mutation du secteur financier vers une plus grande responsabilité sociale et environnementale ? ». L’idée principale : créer un cadre légal cohérent de la finance durable qui associe tous les acteurs.
Face à la « double crise écologique et sociale », empirée par « la politique de court-terme suivie par de nombreux acteurs financiers », le Cese a relevé l’implication de divers acteurs vers une économie plus responsable et une volonté des Français de voir leur épargne « utilisée à bon escient par les banques, les assurances ou les gestionnaires de fonds qui la placent pour leur compte ».

Le constat est le suivant : si cette mutation vers une finance plus responsable est déjà amorcée à travers plusieurs approches (investissement socialement responsable (ISR), finance solidaire, finance verte, etc.), celles-ci ont des impacts limités face aux outils classiques de la finance, bien plus souvent utilisés.

Par cet avis, le Cese veut apporter des pistes aux acteurs traditionnels du secteur financier afin de les aider à « fiabiliser ces outils pour accélérer ce mouvement et généraliser ces approches », « tant au niveau français qu’européen ». Tout cela dans une optique de responsabilisation aux problématiques, sociales, environnementales et de gouvernance.

Cadre règlementaire de la finance durable en France

Le Cese souligne « l’avance » de la France en matière de finance durable. Il détaille notamment les actions mises en place à travers plusieurs lois importantes.

Dès 2001, la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) avait introduit « l’obligation pour les entreprises françaises cotées en bourse de communiquer dans leur rapport annuel, des informations non financières sur les conséquences sociales et environnementales de leur activité ».

En 2010, la loi « Grenelle II » a étendu « les obligations de reporting dans le domaine environnemental, tout en élargissant le champ des entreprises concernées ». Elle a également « introduit l'obligation pour les entreprises de faire certifier leurs données extra-financières par un tiers indépendant et d’intégrer à leur bilan annuel des explications sur la prise en compte des dimensions environnementales, sociales et de gouvernance dans leur gestion financière ».

En 2015, la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a instauré « pour la première fois, des obligations d’information pour les investisseurs et investisseuses institutionnels relatives à leur gestion des risques liés au climat, et plus largement, sur l’intégration de paramètres environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leur politique d’investissement ».

Les efforts se poursuivent avec le projet de loi sur le « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » (PACTE), adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 10 octobre 2018, qui tend à renforcer la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans les statuts de l’entreprise.

Le Cese met en évidence le point suivant : « le fait de s’être doté plus tôt de normes plus strictes que d’autres, a permis au secteur de la finance durable de devenir plus performant en France ». La poursuite de cet objectif ne peut donc être que bénéfique. Ses recommandations visent ainsi à améliorer les dispositifs déjà mis en place.

Trois grands axes

Le Cese propose de suivre trois grandes idées.

La première consiste à « adapter le cadre réglementaire, en France comme en Europe ». L’idée est qu’il faut mettre en place des références prenant en compte tous les aspects (sociaux, environnementaux et de gouvernance), qui devront ensuite être mises en place au travers de normes juridiques devant être respectées de manière contraignante pour les acteurs du secteur financier. À ce titre, le Cese préconise notamment :
– la mise en place d’une taxonomie (référentiel européen d’activités dites durables) non seulement environnementale, mais également sociale ;
– un renforcement de la notation extra-financière (qu’il souhaite voir imposer aux entreprises du secteur financier), avec la définition « au niveau européen des obligations de transparence auxquelles seront tenues les agences de notation extra-financière et les modalités de certification de leurs procédures de notation » ;
– la création d’un socle européen définissant les pratiques minimales devant être respectées par les labels se réclamant de l’ISR ;
– l’initiation d’évolutions règlementaires en matière de finance durable ;
– l’extension et le renforcement du reporting des acteurs financiers, avec un élargissement de son champ d’application « à l’ensemble des acteurs du secteur financier », ainsi qu’un renforcement de son effectivité.

La deuxième recommandation du Cese est d’« orienter l’épargne vers des ISR de long-terme ». Le but est donc d’orienter l’épargne vers la finance durable ; là encore, plusieurs pistes peuvent être suivies :
– la coordination et la promotion des labels publics français, qui pourraient être facilitées par la création d’une agence nationale ;
– un meilleur fléchage de l’épargne, avec l’obligation de mettre en place une notation ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) pour « l’ensemble des fonds d’épargne soutenus par les pouvoirs publics », la proposition systématique à l’épargnant de souscrire « à des supports d’investissement ayant fait l’objet d’une notation ESG », une réforme  du Livret de développement durable et solidaire « afin que les sommes déposées soient obligatoirement placées dans des fonds labellisés ISR », ainsi qu’une majoration de son taux de rémunération par rapport au Livret A ;
– une différenciation des avantages fiscaux accordés à l’épargne, « en fonction du caractère labellisé ou non des différents produits » ;
– un renforcement du rôle moteur des gestionnaires de fonds publics et paritaires, en les invitant en particulier à investir dans des fonds labellisés ISR ;
– le soutien du financement de projets territoriaux et de PME, afin de leur faciliter l’accès « aux financements par des fonds labellisés ISR ».

Enfin, le troisième axe présenté consiste à « renforcer la prise en compte des parties prenantes », le Cese souhaitant notamment associer de façon plus marquée trois types d’acteurs dans la finance durable :
– les acteurs de la finance durable, par un renforcement de leur rôle dans les entreprises (le Cese souhaite que les sociétés soient incitées à « accorder aux fonds d’investissement labellisés ISR des actions de préférence et à leur faciliter l’accès, par la baisse des seuils requis, au dépôt de résolutions en AG sur les seuls thèmes liés directement à la dimension sociale et environnementale de l’activité de l’entreprise ») ;
– les institutions représentatives du personnel, qui doivent être associées aux actions des institutions financières ;
– les institutions financières, en les responsabilisant, par exemple, via la désignation d’un comité spécifique auprès des conseils d’administrations, comité « chargé d’évaluer les risques environnementaux, sociaux ou de gouvernance encourus par l’entreprise, et d’établir un plan d’action de nature à limiter leurs impacts ».

Autant de pistes qui pourront permettre aux acteurs de la finance d’améliorer leurs performances et de s’inscrire pleinement dans une démarche de développement durable.
Source : Actualités du droit