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Investissement étranger en France : parution du décret d’application

Tech&droit - Start-up
08/01/2020
Texte d’application de la loi PACTE, le décret relatif aux investissements étrangers en France paru au Journal officiel du 1er janvier 2020 renforce le dispositif français de contrôle des investissements non européens et simplifie la procédure de contrôle. Le point.

Ce décret modifie le champ d’application du dispositif de contrôle des investissements, la procédure de vérification ainsi que les mesures (de police et de sanction) qui peuvent être prises par le ministre de l’Économie et des Finances.

Avec un maître mot : mieux faire respecter la réglementation sur les investissements étrangers en France et renforcer le caractère dissuasif des sanctions, dans le cas où un investisseur étranger n’aurait pas respecté la réglementation.

 

Pour en savoir plus
– Loi PACTE : renforcement de la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers en France, Actualités du droit, 23 mai 2019
– Investissements étrangers en France : à quand le premier retour statistique ?, Actualités du droit, 3 juin 2019

 

Précisions sur le périmètre du contrôle des investissements
Le décret pose précisément le cadre du contrôle des opérations d’investissement en revenant sur les trois piliers de ce dispositif : la définition de l’investissement, celle de l’investisseur et la liste des activités concernées.
 

  • Investisseur : constitue un investisseur au sens de ce décret :
    • toute personne physique de nationalité étrangère ;
    • toute personne physique de nationalité française qui n'est pas domiciliée en France au sens de l'article 4 B du Code général des impôts ;
    • toute entité de droit étranger ;
    • toute entité de droit français contrôlée par une ou plusieurs personnes ou entités mentionnées précédemment ;
    • sachant que « Constitue une chaîne de contrôle, au sens du présent chapitre, l'ensemble formé par un investisseur mentionné au 3° ou au 4° du I et les personnes ou entités qui le contrôlent. Toutes les personnes et entités appartenant à une chaîne de contrôle constituent des investisseurs au sens du présent chapitre » et que « Le contrôle mentionné au présent article s'apprécie au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce ou, lorsqu'aucun contrôle n'a pu être établi sur le fondement de cet article, au sens du III de l'article L. 430-1 du même code ».
 
  • investissement : est visé, le fait d’
    • acquérir le contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce, d'une entité de droit français ;
    • acquérir tout ou partie d'une branche d'activité d'une entité de droit français ;
    • franchir, directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de 25 % de détention des droits de vote d'une entité de droit français, étant précisé que cette dernière hypothèse, « n'est applicable ni à une personne physique possédant la nationalité d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu une convention d'assistance administrative avec la France en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale et domiciliée dans l'un de ces États, ni à une entité dont l'ensemble des membres de la chaine de contrôle, au sens du II de l'article R. 151-1, relèvent du droit de l'un de ces mêmes États ou en possèdent la nationalité et y sont domiciliés » ;

 

Trois types d’activités concernées :

  • celle de nature à porter atteinte aux intérêts de la défense nationale, participant à l'exercice de l'autorité publique ou de nature à porter atteinte à l'ordre public et à la sécurité publique :
  1.   activités, comprenant celles mentionnées à l'article L. 2332-1 du Code de la défense, relatives aux armes, munitions, poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou aux matériels de guerre et assimilés relevant du titre III ou du titre V du livre III de la deuxième partie du Code de la défense ;
  2.  activités relatives aux biens et technologies à double usage énumérés à l'annexe IV du règlement (CE) n° 428/2009 du Conseil du 5 mai 2009 instituant un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit de biens à double usage ;
  3.  activités exercées par les entités dépositaires de secret de la défense nationale ;
  4.  activités exercées dans le secteur de la sécurité des systèmes d'information, y compris en qualité de sous-traitant, au profit d'un opérateur mentionné aux articles L. 1332-1 ou L. 1332-2 du Code de la défense ;
  5.  activités exercées par les entités ayant conclu un contrat, soit directement, soit par sous-traitance, au profit du ministère de la défense pour la réalisation d'un bien ou d'un service relevant d'une activité mentionnée aux points 1° à 3° ou au 6° ;
  6. activités relatives aux moyens et prestations de cryptologie mentionnés aux paragraphes III et IV de l'article 30 et I de l'article 31 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;
  7.  activités relatives aux matériels ou dispositifs techniques de nature à permettre l'interception des correspondances ou conçus pour la détection à distance des conversations ou la captation de données informatiques, définis à l'article 226-3 du Code pénal ;
  8. activités relatives aux prestations de services réalisées par les centres d'évaluation agréés dans les conditions prévues au décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information ;
  9. activités relatives aux jeux d'argent, à l'exception des casinos ;
  10. activités relatives aux moyens destinés à faire face à l'utilisation illicite d'agents pathogènes ou toxiques ou à prévenir les conséquences sanitaires d'une telle utilisation ;
  11. activités de traitement, de transmission ou de stockage de données dont la compromission ou la divulgation est de nature à porter atteinte à l'exercice des activités mentionnées aux 1° à 10° du présent I ou au II.

 

  • celle de nature à porter atteinte aux intérêts de la défense nationale, participant à l'exercice de l'autorité publique ou de nature à porter atteinte à l'ordre public et à la sécurité publique, lorsqu'elles portent sur des infrastructures, biens ou services essentiels pour garantir :
  1. l'intégrité, la sécurité ou la continuité de l'approvisionnement en énergie ;
  2. l'intégrité, la sécurité ou la continuité de l'approvisionnement en eau ;
  3. l'intégrité, la sécurité ou la continuité de l'exploitation des réseaux et des services de transport ;
  4. l'intégrité, la sécurité ou la continuité des opérations spatiales mentionnées au 3° de l'article 1er de la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales ;
  5. l'intégrité, la sécurité ou la continuité de l'exploitation des réseaux et des services de communications électroniques ;
  6. l'exercice des missions de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des services de sécurité civile, ainsi que l'exercice des missions de sécurité publique de la douane et de celles des sociétés agréées de sécurité privée ;
  7. l'intégrité, la sécurité ou la continuité de l'exploitation d'un établissement, d'une installation ou d'un ouvrage d'importance vitale au sens des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du Code de la défense ;
  8. la protection de la santé publique ;
  9. la production, la transformation ou la distribution de produits agricoles énumérés à l'annexe I du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lorsque celles-ci contribuent aux objectifs de sécurité alimentaire nationale mentionnés aux 1°, 17° et 19° du I de l'article L. 1 du Code rural et de la pêche maritime ;
  10. l'édition, l'impression ou la distribution des publications de presse d'information politique et générale, au sens de l'article 4 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, et des services de presse en ligne d'information politique et générale au sens de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.
 
  • l’activité de nature à porter atteinte aux intérêts de la défense nationale, participant à l'exercice de l'autorité publique ou de nature à porter atteinte à l'ordre public et à la sécurité publique, lorsqu'elles sont destinées à être mises en œuvre dans l'une des activités mentionnées aux I ou II :
  1. les activités de recherche et développement portant sur des technologies critiques, dont la liste est définie par arrêté du ministre chargé de l'Économi (à savoir,  la cybersécurité, l'intelligence artificielle, la robotique, la fabrication additive, les semi-conducteurs, les technologies quantiques et le stockage d'énergie :  Arr. 31 déc. 2019,  NOR : ECOT1937237A) ;
  2. les activités de recherche et développement sur des biens et technologies à double usage énumérés à l'annexe I du règlement (CE) du Conseil du 5 mai 2009.

 

Ce qui a changé dans la procédure de contrôle
Il existe deux procédures : celle de demande d’avis (C. mon. et fin., art. R. 151-4) et celle de demande d’autorisation (C. mon. et fin., art. R. 151-5 et s.). Dans la première hypothèse, le ministre a deux mois pour répondre et dans la seconde, un mois (un arrêté est venu fixer la liste des pièces et informations à fournir à l'appui de ces demandes : Arr. 31 déc. 2019,  NOR : ECOT1937237A).

Le décret détaille le processus d’examen de la demande d’autorisation :

  • l’auteur de la requête en autorisation : par principe, l’investisseur
  • les cas de dispense de demande d’autorisation :
    • lorsque l'investissement est réalisé entre des entités appartenant toutes au même groupe (détenues à plus de 50 % du capital ou des droits de vote, directement ou indirectement, par le même actionnaire) ;
    • lorsque l'investisseur franchit, directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de 25 % de détention des droits de vote au capital d'une entité dont il a antérieurement acquis le contrôle en vertu d'une autorisation délivrée au titre du 1° de l'article R. 151-2 ;
    • lorsque l'investisseur acquiert le contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce, d'une entité dont il a antérieurement franchi directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de détention de 25 % des droits de vote en vertu d'une autorisation délivrée au titre du 3° de l'article R. 151-2, sous réserve que cette acquisition ait fait l'objet d'une notification préalable au ministre chargé de l'économie. Sauf opposition du ministre, cette nouvelle autorisation naît à l'issue d'un délai de trente jours à compter de la notification, dans des conditions fixées par arrêté (Arr. 31 déc. 2019,  NOR : ECOT1937237A).


Avec deux exceptions à ces dispenses, lorsque l'investissement a pour :
 

  • effet d'empêcher un investisseur de respecter les conditions dont il a été rendu responsable en application du II de l'article R. 151-8 à l'occasion d'une autorisation délivrée antérieurement ;
  • objet de transférer à l'étranger tout ou partie d'une branche d'une des activités énumérées à l'article R. 153-3 ;
    • les étapes et délais de la procédure : réponse dans les 30 jours ouvrés de la réception de la demande, sauf demande de délai supplémentaire de 15 jours ouvrés pour examen complémentaire ; l’absence de réponse signifie le rejet de la demande ;
    • les types de réponses (qui doivent être motivées) :
  • ne relève pas du régime des autorisations,
  • en relève et est autorisé, sans condition,
  • en relève mais un examen complémentaire est nécessaire pour déterminer si la préservation des intérêts nationaux peut être garantie en assortissant l'autorisation de conditions,
  • en relève et n’est pas autorisée (C. mon. et fin., art. R. 151-10).


En cas d’autorisation, un arrêté revient dans le détail sur les modalités de sa déclaration (Arr. 31 déc. 2019,  NOR : ECOT1937237A).

Sont par ailleurs précisées le type de conditions que peut poser comme préalable à une autorisation le ministre de l’Économie (C. mon. et fin., art. L. 151-3, II) : dans le respect du principe de proportionnalité, ces mesures doivent être de nature à :

  • assurer la pérennité et la sécurité, sur le territoire national, des activités énumérées à l'article R. 151-3 exercées par l'entité objet de l'investissement, notamment en veillant à ce que ces activités ne soient pas soumises à la législation d'un État étranger susceptible d'y faire obstacle, ainsi que la protection des informations qui leur sont liées ;
  • à faire obstacle à leur captation ;
  • adapter les modalités d'organisation interne et de gouvernance de l'entité, ainsi que les modalités d'exercice des droits acquis dans l'entité à la faveur de l'investissement ;
  • fixer les modalités d'informations de l'autorité administrative chargée du contrôle.


Avec cette conséquence que « le ministre peut notamment conditionner son autorisation à la cession d'une partie des parts ou actions acquises au capital de l'entité objet de l'investissement ou de tout ou partie d'une branche d'activité énumérée à l'article R. 151-3 exercée par l'entité objet de l'investissement à une entité distincte de l'investisseur et agréée par le ministre ».

Des conditions qui peuvent être révisées, sur demande de l’investisseur (C. mon. et fin., art. R. 151-9).
 

Des pouvoirs de police administrative du ministre renforcés
La loi PACTE est venue élargir le panel des sanctions administratives mobilisables par Bercy pour sanctionner la réalisation d’une opération sans autorisation préalable et le manquement aux conditions assortissant une autorisation (C. mon. et fin., art. L. 151-3-1). Avec pour objectif d’inciter les investisseurs à davantage respecter la réglementation.
 

Ainsi, lorsqu’une opération a été réalisée sans autorisation préalable, le ministre pourra obtenir le dépôt d’une demande d’autorisation, la modification de l’opération ou le rétablissement de la situation antérieure : « en cas d'urgence, de circonstances exceptionnelles ou d'atteinte imminente à l'ordre public, la sécurité publique ou la défense nationale, le ministre peut prononcer une mesure prévue au I ou II de l'article L. 151-3-1 après avoir mis en demeure l'investisseur de présenter ses observations dans un délai réduit qui ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés » (C. mon. et fin., art. R. 151-12).
 

L’incitation à respecter ces injonctions est renforcée par la possibilité pour le ministre de prononcer ces injonctions sous astreinte, sachant que le décret fixe le montant maximal de cette astreinte à 50 000 euros par jour (C. mon. et fin., art. R. 151-14).
 

Afin de prévenir rapidement les risques d’atteinte à l’ordre public, l’article L. 151-3-1 créé par la loi PACTE précise que le ministre a également la possibilité de prendre des mesures conservatoires et de suspendre les droits de vote de l’investisseur, d’empêcher l’investisseur de disposer des actifs ou de percevoir des dividendes et de désigner un mandataire chargé de veiller à la protection des intérêts nationaux (ce mandataire peut faire obstacle à toute décision des organes sociaux de nature à porter atteinte à ces intérêts). Le décret du 31 décembre 2019 vient à ce sujet préciser que « la décision de nomination d'un mandataire prise en application du d du I de l'article L. 151-3-1 précise la durée prévisible de sa mission ainsi que sa rémunération mensuelle, qui tient compte, notamment, de la nature et de l'importance de la mission ».
 

Ce décret est applicable aux demandes déposées à partir du 1er avril 2020.

Source : Actualités du droit